Les HUILES
HUILES
Les huiles sont des matières filmogènes, utilisées comme liant ou plastifiant,
Certaines huiles dont les molécules sont saturées en oxygène restent fluides et ne forment aucun film
en présence d'oxygène. Les seules huiles utilisables en peinture artistique sont des huiles siccatives
(non saturées), c'est-à-dire qui forment plus ou moins rapidement un film solide et continu (parfois
appelé «feuil») en captant l'oxygène de l'air. Plus une huile contient d'acide linolénique, plus elle sera
siccative et... jaunissante.
DES AVANTAGES ----
De nombreux effets de brillant, de transparence et de modelé ne peuvent être obtenus
qu'avec l'huile. Le film solide formé après séchage n'est pas sensible à l'eau et non
réversible avec les solvants habituels .Il est facile d'associer huile, résine et cire puisqu'il
existe des solvants ou diluants communs: l'essence de térébenthine ou le pétrole par
exemple .
… ET DES INCONVÉNIENTS
Le séchage par oxydation est lent et donc difficile de réaliser des empâtements importants
séchant dans des délais raisonnables puisque, pour la plupart des huiles, le film qui se forme
en surface ralentit le séchage en profondeur.
Il existe des risques importants de craquelure dus à la superposition de couches, chacune
se trouvant à une étape différente de séchage.
Les huiles jaunissent plus ou moins dans le temps.
Elles sont plus ou moins acides selon les procédés d'extraction, et ce taux d'acidité
augmente plus ou moins au moment du processus de siccativation. Elles dégradent donc les
supports cellulosiques (toiles de fibres végétales, papiers) qui devront être correctement
protégés.
LES HUILES JAUNISSENT
Il ne faut pas confondre la coloration naturelle d'une huile avec le phénomène de
jaunissement des huiles siccatives une fois le film formé,
Ce jaunissement est d'autant plus important que l'huile est chargée en acide linolénique.
Ainsi l'huile de lin sera plus sensible au jaunissement que l'huile de noix, et une huile de
carthame contenant très peu d'acide linolénique ne jaunira quasiment pas, mais séchera très
lentement.
Ce jaunissement n'est pas produit par une pigmentation: il est dû à la présence de cétones
absorbant les radiations lumineuses froides (ultra-violet, violet et bleu) provoquant donc un
effet de jaunissement. Ce phénomène est accentue par la présence de cobalt ou de
manganèse contenu dans les siccatifs ou les pigments.
La fonction chimique cétone étant détruite par les rayons ultraviolets, une exposition au soleil
atténuera l'effet de jaunissement.
On peut utiliser un azurage optique du blanc pour compenser le jaunissement d'une huile qui
est très sensible avec des pigments blancs.
Pour améliorer leurs qualités, les huiles brutes peuvent être purifiées, décolorées, etc. et
ensuite modifiées pour améliorer leur siccativité et la qualité des films: huiles cuites,
soufflées, polymérisées, etc. La plupart de ces opérations pourraient théoriquement être
appliquées à d'autres huiles, mais c'est essentiellement l'huile de lin qui est ainsi traitée
industriellement.
HUILE DE LIN
Elle est extraite des graines du lin par pression à froid. Les huiles brutes obtenues sont d'abord purifiées et débarrassées des composants indésirables, puis des coupages sont effectué pour que la composition, fixée par la commission technique des fabricants de peinture soit voisine des pourcentages suivants: acide linolénique: 53 %, acide linoléique: 13 %, acide
stéarique: 10 % .L'extraction de l'huile se fait en deux temps: un broyage et pressage à une
température de 40 à 60° dit «à froid» produisant une huile de pression, Du «tourteau» résiduel estextraite par un procédé chimique une huile d'extraction. Ces deux huiles sont ensuite mélangées
pour constituer " l'huile brute" contenant de nombreuses impuretés (par exemple certains acides gras
pouvant conduire à une prise en masse avec des pigments alcalins, et de nombreux composés
s'opposant à la siccativation). Cette huile brute sera donc à nouveau traitée en fonction des
différentes utilisations.
HUILES DE LIN CLARIFIÉES
Elles sont obtenues par une exposition au soleil, à l'abri de l'air, qui diminue le taux de lécithine qu
s'oppose au séchage, Cette opération de clarification peut être effectuée par l'artiste lui-même, Or
obtient une huile plus visqueuse que l'huile crue,
HUILES DE LIN DÉCOLORÉES
L'action du soleil et de terres absorbantes (la terre à foulon par exemple) et d'agents oxydants
décolore les huiles, Mais une huile parfaitement décolorée jaunira autant que la même huile non
décolorée,
HUILES DE LIN CUITES
Une cuisson à 120-160°avec ou sans sels de plomb, de cobalt ou de manganèse produit une huile
plus visqueuse que l'huile clarifiée au soleil, plus siccative mais plus foncée et ayant tendance au
jaunissement. Certaines huiles cuites peuvent avoir été portées jusqu'à 250°,
HUILES DE LIN SOUFFLÉES
Parfois appelées huiles végétales polymérisées, elles sont obtenues par un passage d'air à
travers l'huile à température ambiante ou chauffée jusqu'à 150°, parfois en présence de traces de
cobalt. C'es un substitut économique à l'huile de lin cuite mais qui augmentent le jaunissement de
l'huile .Elles sont réputées fournir une meilleure adhésivité de l'huile au métal.
HUILES DE LIN ISOMÉRISÉES
Dans certaines de ces huiles les acides linoléique et linolénique sont conjugués par traitement
thermique en présence d'un catalyseur, Ces huiles à la siccativité nettement améliorée présentent
les propriétés d'un mélange à parts égales d'huile de lin et d'huile de bois de Chine.
Ce traitement est également applicable aux huiles semi-siccatives: carthame, tournesol, soja,
STANDOLlE, STAND Oll
On utilise parfois le terme " huile polymérisée", Ce sont des huiles cuites en étuve sous vide ou en
présence d'un gaz inerte (azote) entre 280 et 290°. Standolie faible: 4 heures de cuisson, demi corsée 6 heures, moyenne: 8 heures, corsée: 1 2 heures, forte: 24 heures , Contenant moins de cétones colorées elles jaunissent moins que l'huile de lin ou de noix
normales et apportent du plastifiant. Elles sont très visqueuses, donnent un film souple, lisse et
résistant, plus brillant (par élévation de l'indice de réfraction), Elles sèchent lentement mais
nécessitent très peu de siccatif pour obtenir un film résistant et brillant parce qu'elles ont besoin de moins d'oxygène pour siccativer.
Usages: Les standolies sont des additifs à utiliser en complément aux huiles crues ou cuites (jusqu',
5 %) et comme agent plastifiant dans la fabrication des «vernis» mastic et dammar (4-5 %), Elles
son peu adaptées aux pâtes épaisses, mais utiles en additifs aux fins glacis de couleurs sensibles al
jaunissement et pour les temperas à l'œuf et autres émulsions.
HUILE DE NOIX
Elle est extraite des cerneaux de noix. Sa composition peut varier selon les espèces
végétales ou les années de production, Elle est beaucoup plus chargée en acide linoléique
(49 %) et moins chargée en acide linolénique (28 %) que l'huile de lin, Elle sèche
apparemment plus lentement que l'huile de lin, mais siccative dans la masse, alors que
l'huile de lin forme rapidement un film en surface qui va retarder le séchage en profondeur.
Elle est plus fluide et jaunit moins que l'huile de lin. Certains lui reprochent de rancir
facilement, ce qui est contesté par d'autres, L'huile de noix peut être cuite dans les mêmes
conditions que l'huile de lin. Elle forme un film plus souple que l'huile de lin, ayant moins
tendance aux craquelures . Attention: on ne trouve dans le commerce que de l'huile de noix
brute pour un usage alimentaire. La difficulté est d'identifier des huiles de bonne qualité
également utilisables comme liant. Il faut s'assurer en particulier que l'amande est bien séparée de la pellicule protectrice contenant des phénols qui agissent comme anti-oxygène
empêchant le durcissement.
HUILE D'ŒILLETTE, HUILE DE PAVOT
Elle est extraite des graines de Papaver .C'est une huile siccative
essentiellement linoléique, séchant donc très lentement mais jaunissant moins au séchage,
Elle est plus claire et plus fluide que l'huile de lin et peut être utilisée pour le broyage des
blancs et des couleurs les plus claires, Attention: il vaut mieux éviter de la cuire, En effet une
mauvaise cuisson rendrait le film friable et peu transparent. Attention aux craquelures en cas
de superposition, Elle est avantageusement remplacée par l'huile de carthame, moins
siccative et encore moins jaunissante.
HUILE DE CARTHAME
Elle est extraite des graines du carthame , C'est une huile essentiellement linoléique, donc séchant très lentement.
Il faut choisir une huile de carthame très claire et exclure toute huile jaunâtre ou verdâtre,
Elle donne un film résistant et surtout très peu jaunissant. Elle peut être mélangée avec une
huile de lin,
Usages: broyage des blancs ou teintes claires, surtout quand ils sont utilisés en couches
finales,
HUILE DE CHANVRE, HUILE DE CHÉNEVIS
Elle est extraite des graines de chanvre (Cannabis saliva) utilisées dans l'alimentation,
D'une couleur verdâtre au moment de l'extraction mais qui s'atténue au contact de l'air. C'est
une huile très siccative, utilisée pour la finition du bois mais utilisable aussi en peinture,
TRANSFORMATIONS DES HUILES
Les transformations des huiles peuvent avoir deux objectifs: éclaircir l'huile et/ou la rendre
plus siccative, Les transformations qui ne peuvent être effectuées que de manière
industrielle (certaines huiles cuites, Standolies, etc.) ont été décrites dans le chapitre
précédent. D'autres, décrites ici, peuvent être effectuées par l'artiste dans son atelier.
HUILES CRUES CLARIFIÉES ET SICCATIVES AU SOLEIL
On parle parfois d'huile «cuite au soleil», alors qu'il ne s'agit pas d'une véritable cuisson
puisque c'est l'action de la lumière solaire qui est utilisée,
Attention: le verre du récipient agit comme filtre des rayons ultra violets.
L'ACTION DU SOLEIL SANS ACTION DE L'OXYGÈNE
On expose au soleil des flacons d'huile fermés pendant au moins 3 à 4 semaines jusqu'à
plusieurs mois selon l'ensoleillement. Cette clarification (qui est en partie réversible si on
remet le flacon à l'ombre) a une action siccative indirecte par destruction d'une partie de la
lécithine contenue dans l'huile et qui retarde la siccativation.
l'huile clarifiée au soleil perdrait un peu de capacité de mouillage. Cette huile serait donc à
éviter pour broyer les pigments et réservée à la préparation des médiums.
L'ACTION SIMULTANÉE DU SOLEIL ET DE L'OXYGÈNE
On trouve des recettes dans lesquelles les huiles sont simultanément exposées au soleil et à
l'air. Le plus simple est de remplir à moitié d'huile un bocal large, de le fermer et de l'ouvrir
tous les jours pour changer l'air, de le refermer et de remuer l'huile de façon à obtenir un
contact homogène de l'huile avec l'air. Dans ce cas, l'huile n'est pas à proprement parler
siccativée mais le contact avec l'air a entamé le processus d'oxydation: l'huile est devenue
plus épaisse et séchera plus rapidement.
ACTION SIMULTANÉE DU SOLEIL, DE L'OXYGÈNE ET DU PLOMB
Les peintres au Moyen-Âge, pour rendre leurs huiles plus siccatives, mettaient dans le fond
d'une assiette creuse de la céruse, ou même de la litharge recouverte d'une mince couche
d'huile de lin ou de noix puis exposaient ces assiettes au soleil.
HUILES CUITES Le terme parfois employé d'« huile bouillie» est totalement impropre: en aucun cas une huile
utilisée el peinture ne doit bouillir puisqu'elle perd alors toutes ses qualités.
On peut simplement chauffer une huile au bain-marie pendant 3 ou 4 heures, ou la chauffer
à feu vif; 120° pendant 2 à 3 heures. L'huile va brunir et s'épaissir puisqu'il y aura un début
de siccativation par contact avec l'air, Une fois l'huile cuite de cette manière on peut
l'exposer au soleil pour la clarifier.
HUILES NOIRES
Les " huiles noires" sont des huiles soumises à une cuisson lente mais en présence
d'oxydes de plomb et jusqu'à une température relativement élevée, On obtient des huiles
très siccatives mais très brunes, Des recettes anciennes préconisent différents produits
contenant des sels métalliques: poudre d'os, verre au plomb broyé, terre d'ombre riche en
manganèse, vert-de-gris (acétate de cuivre), sulfate de zinc, blanc de plomb, minium, ou
litharge.
Attention: on peut utiliser sans problème des huiles de lin ou de noix, mais on ne peut pas
cuire de cette manière les huiles d'œillette ou de carthame.
Usages: l'huile noire contient des savons de plomb qui se sont formés pendant la cuisson et
qui favoriseront les émulsions. L'huile noire forme avec la résine mastic en solution un
médium très Thixotropique, qui était la base des "médiums vénitiens» ou du médium de
Rubens.
l'huile noire comme son nom l'indique est très brune. On manipule pour sa fabrication des
oxydes de plomb hautement toxiques. L'huile de noix cuite à la litharge se colorerait moins
que l'huile de lin, mais la durée et la température de cuisson interviennent également dans la
coloration. Il faut surtout éviter une surcuisson ou un surdosage en plomb, surtout si on
utilise de la litharge, on obtiendrait alors des films à prise très rapide, mais légèrement
poisseux et qui après un certain temps deviennent collants et se ramollissent. Ce qui est le
contraire de l'effet souhaité.
La quantité de litharge utilisée dans les nombreuses recettes d'huile noire peut varier
considérablement selon les auteurs: on peut trouver jusqu'à 125 9 de litharge pour 1 litre
d'huile crue alors que 40 à 60 g sont suffisants (10 à 15 g suffiraient si la totalité du
plomb était combinée).
La température maximale de cuisson est de même très variable.
Pour maîtriser parfaitement la cuisson il est préférable d'utiliser un thermomètre de cuisine
équipé d'une sonde (plutôt que le très aléatoire oignon épluché autour duquel l'huile doit
frémir sans le faire roussir et qui indique une température supérieure).
On peut raisonnablement doser à 30 g de litharge pour 1/2 litre d'huile.
1. Dans un récipient en verre ou en métal émaillé bien sec, faire chauffer
modérément 1/2 litre d'huile de lin ou de noix pendant 1/4 d'heure environ / ajouter
30 g de litharge en poudre (celle-ci contient toujours un peu d'humidité qui provoque une légère ébullition qui disparait rapidement) / mélanger un peu avec un agitateur
en verre, L'huile devient alors un liquide orange et opaque.
2. Prolonger la cuisson à 110° puis monter très progressivement la température
à 120-130° (ne pas trop remuer), l'huile va prendre à un moment donné une
couleur brun clair et opaque.
3. Il faut maintenir l'huile dans cet état au moins 1/2 heure, si possible une
heure, jusqu'à ce que l'huile devienne brune et transparente. Il est inutile de
prolonger la cuisson au-delà. Si on n'arrive pas dans ces délais à une huile
transparente, forcer un peu la température jusqu'à 130-140°, La partie de la litharge
non combinée à l'huile reste au fond du récipient.
4. Laisser refroidir, verser dans un flacon de verre et laisser décanter quelques
jours une partie des savons qui se sont formés lors de la cuisson, Filtrer dans un
second flacon.
Ne pas utiliser l'huile noire avant d'avoir laissé décanter au moins un
mois au fond du flacon le reste les savons.
Cette huile cuite pourra être mélangée en toutes proportions avec une huile crue ou
une huile cuite ans plomb.